Approche Diagnostique, Thérapeutique et Complications des Crises Épileptiques du Chat
World Small Animal Veterinary Association World Congress Proceedings, 2010
Joane Parent, DMV, MVetSc, ACVIM (Neurology)
St-Hyacinthe, QC, Canada

Lire la traduction anglaise: Work-Up, Therapy and Complications of Seizures in Cats

Introduction

Les causes et symptomatologie des crises épileptiformes du chat diffèrent grandement de celles du chien. Dans le contexte de cette conférence, l'épilepsie est idiopathique quand, après un bilan diagnostique poussé, "aucune lésion cérébrale sous-jacente ou autre signe ou symptôme neurologique n'est identifié; l'épilepsie idiopathique est présumée génétique et généralement liée à l'âge".1,2 L'épilepsie est symptomatique quand "les crises épileptiformes sont le résultat d'une ou de plusieurs lésions cérébrales structurelles identifiables".1,2 L'épilepsie est probablement symptomatique quand "l'épilepsie est fort probablement symptomatique mais qu'aucune étiologie n'a été identifiée".1,2 Gardant à l'esprit ces définitions, la plupart des chats avec crises récurrentes souffrent d'épilepsie symptomatique ou probablement symptomatique.

Schema des Crises

Les crises les plus fréquentes observées chez le chat sont les crises focales, avec ou sans généralisation secondaire. La crise est classifiée focale lorsque l'état de conscience est préservé même si altéré. La crise focale peut être violente, l'animal se projetant de façon incohérente, courant sans but tout en frappant les objets, parfois durement; il peut y avoir morsure de la langue, arrachement des griffes si ces dernières se prennent dans les fils du tapis, érection du pelage, etc. Cependant, les crises focales peuvent aussi être subtiles échappant au propriétaire, particulièrement celles présentant des contractions légères et répétitives des paupières, vibrisses ou oreilles. Occasionnellement, les chats admis en urgence pour état d'épilepsie, semblent profondément tranquillisés suite au traitement antiépileptique et pourtant lorsqu'on les touche il y a vibration constante de la masse musculaire. La nécrose musculaire qui s'ensuit peut être marquée comme indiquée par des élévations de la créatine kinase (CK) de l'ordre de 50,000 U/L et plus. Avec les crises généralisées, il y a perte de l'état de conscience. Dans la plupart des cas, la crise est convulsive, avec des mouvements toniques-cloniques, salivation et miction.

La description des crises joue un rôle crucial dans l'établissement du diagnostique différentiel et oriente le traitement. La description des crises inclut 1) l'âge du patient lors à la première crise, 2) le type de crise (focal, généralisé, ou focal avec généralisation secondaire), et 3) la fréquence des crises.

Causes des Crises

L'anamnèse, le signalement et la description des crises sont les éléments les plus importants dans l'établissement du diagnostic différentiel. La plupart des crises chez le chat sont d'origine intracrânienne. Rares sont les crises résultant de toxicité ou d'ordre métabolique. Dans une étude descriptive de 35 chats épileptiques, la polycythémie était la seule maladie métabolique rapportée. Chez ces chats, c'est l'hyperviscosité qui avait causé de multiples accidents vasculaires au niveau cérébral.3 Dans la même étude, les causes les plus fréquentes de crises étaient les encéphalites virales autres que celles secondaires à la péritonite infectieuse féline (PIF). Les encéphalites virales non reliées à la PIF sont des causes de crises relativement fréquentes chez le jeune chat et le chat d'âge moyen. Les crises peuvent être précédées par des signes systémiques transitoires non spécifiques tel que fièvre, anorexie, toux, vomissement ou diarrhée jusqu'à trois semaines avant le début des crises, avec un patient cliniquement normal au moment de la première crise. Le début des crises peut être aigu avec progression rapide sur une période de quelques jours. La maladie est souvent auto-limitante mais la lésion cérébrale peut engendrer une cicatrice hautement épileptogène en raison de la localisation cérébrale, et conduire à des crises focales et/ou généralisées survenant en série ou conduisant à un état d'épilepsie. À la biochimie, une augmentation de la CK est fréquente secondaire aux contractions ou tremblement musculaires constants dont souffrent ces chats.

La PIF est probable si le chat a moins de trois ans d'âge, est malade depuis plusieurs jours à quelques semaines, a des signes systémiques et une maladie neurologique. La cryptococcose affectant le système nerveux central a une symptomatologie similaire mais elle est observée chez les chats de tout âge. Ces maladies infectieuses sont rares comparées aux encéphalites virales non-PIF. Le virus de la leucémie féline (FeLV), le virus de l'immunodéficience féline (FIV) et la toxoplasmose sont rarement en cause dans les crises épileptiformes du chat.

L'encéphalopathie ischémique féline peut aussi conduire à de l'épilepsie chez le chat mais les crises sont généralement peu fréquentes ne requérant pas nécessairement un traitement antiépileptique. Le pronostic est généralement bon si l'animal survit l'ischémie cérébrale initiale. Quelques chats ne démontrent jamais les signes caractéristiques de l'ischémie cérébrale féline. Chez ces chats, le diagnostic est posé lors de l'imagerie par résonance magnétique (IRM) du cerveau démontrant une atrophie cérébrale bilatérale mais asymétrique. Plusieurs maladies d'origine métabolique/endocrinienne chez le chat (insuffisance rénale, diabète mellites, hyperthyroïdisme) causent de l'hypertension. Cependant, les accidents cérébraux vasculaires semblent relativement rares considérant la fréquence de ces maladies chez le chat âgé.

Les tumeurs cérébrales, plus spécifiquement les méningiomes, sont des causes fréquentes de crises chez les chats de plus de 10 ans. Dans la majorité des cas chez ces chats, il y a une composante comportementale qui souvent, malheureusement, n'est pas remarquée par les vétérinaires et est mal interprétée pas les propriétaires comme un signe d'âge avancé. Les méningiomes sont des tumeurs relativement faciles à enlever chirurgicalement car elles n'envahissent pas le parenchyme cérébral comme chez le chien. Les récurrences sont fréquentes spécialement si l'ablation n'a pas été complète.

Les jeunes chats (6-12 mois) avec crises récurrentes et chez lesquels l'examen neurologique et le bilan diagnostique (IRM et analyse du liquide céphalorachidien) sont sans particularités, développent de l'épilepsie souvent réfractaire. Ce n'est cependant pas toujours le cas puisqu'une étude rétrospective rapporte que le jeune chat épileptique vit généralement plus longtemps.4

Bilan Diagnostique

Il est bénéfique pour le patient de catégoriser l'épilepsie comme étant 'probablement symptomatique' lorsque le patron des crises ou un bilan diagnostic poussé n'a pu mettre en évidence une cause car cela force le clinicien à revisiter le diagnostic à chaque visite médicale du patient. Le bilan diagnostique recommandé pour tous les cas suspectés d'épilepsie symptomatique inclut: considération du type des crises, examens physique, neurologique et ophtalmologique (funduscopie), hématologie, profil biochimique avec mesures de la CK et T4, FeLV, FIV et urologie, radiographies thoraciques (3 vues), échographie abdominale, IRM du cerveau et analyse du liquide céphalorachidien (LCR). Les tests de FeLV et FIV sont faits, non pas pour éliminer ces virus comme causes des crises, mais plutôt comme évaluation de l'état de santé général du patient.

Traitement

Les échecs thérapeutiques chez le chat épileptique sont en grande partie le résultat d'un diagnostic erroné, lequel conduira à un traitement aussi erroné, ou à un choix d'agent antiépileptique inapproprié, ou d'une mauvaise utilisation de l'agent antiépileptique. La plus importante cause d'échec thérapeutique est le sur-diagnostic de l'épilepsie idiopathique. Traiter uniquement les crises épileptiformes chez le chat souffrant d'encéphalite ou de tumeur cérébrale est voué à l'échec. Par exemple, les crises chez le chat souffrant d'un méningiome cérébral sont plus aptes à être contrôlées si l'œdème péri-tumoral est traité. De plus, le choix de médicament antiépileptique doit être basé sur le type de crises du patient. Les crises focales ou les crises avec début focal sont plus aptes à répondre au traitement si le médicament antiépileptique cible ce type de crises. Le phénobarbital, gabapentin, lévétiracétam et diazépam sont tous des agents antiépileptiques qui peuvent être utilisés chez le chat pour contrôler les crises focales. Les crises focales peuvent être difficiles à maitriser. Il est important de bien utiliser l'agent antiépileptique et de mesurer les niveaux sériques si cela peut être effectué. Malgré les recommandations qui existent, le traitement doit être adapté au patient et à son propriétaire.

Plusieurs agents antiépileptiques sont disponibles en guise de traitement chez le chat. Ils incluent le phénobarbital, gabapentin, lévétiracétam et zonisamide. Règle générale: si la fréquence des crises le permet, il est préférable de débuter le traitement graduellement pour éviter une trop grande sédation. Le phénobarbital demeure le traitement de choix chez le chat parce qu'il est bien toléré et la mesure des niveaux sériques est possible dans la majorité des laboratoires commerciaux. Il est efficace dans le traitement des crises focales et généralisées. Le niveau sérique thérapeutique optimal se situe entre 100 et 130 μmol/L. Le dosage n'est pas administré au poids de l'animal mais plutôt par chat. Quelques chats atteignent un niveau sérique adéquat avec 7.5mg q12h alors que d'autre nécessitent 15mg q12h mais la grande majorité des chats requièrent 22.5mg par jour divisé en deux traitements de 7.5mg et 15 mg. Une somnolence est souvent présente en début de traitement, cependant l'hépatotoxicité rapportée chez le chien n'est pas un problème chez le chat. Habituellement, il n'y a pas de polyurie, polydipsie et polyphagie quoique possible.

Le gabapentin est utilisé dans le traitement des crises focales et à début focal. Son utilisation est sure et est bien tolérée chez le chat. Le dosage est de 10 à 40mg q12h à q8h par chat. Au Canada, la plus petite concentration disponible est de 100mg nécessitant une reconstitution du produit. Une somnolence est observée en début du traitement. L'auteur utilise le gabapentin comme deuxième choix chez le chat.

Le lévétiracétam est utilisé dans le traitement des crises focales et à début focal chez le chat. Il semble bien toléré jusqu'à maintenant mais l'expérience clinique chez cette espèce est limitée. La dose recommandée est de 20mg/kg per os q8h pour atteindre l'intervalle de concentrations plasmatiques considérée comme thérapeutique chez l'humain.5

Le zonisamide est utilisé dans le traitement des crises focales et généralisées. L'expérience clinique chez le chat est limitée. La dose recommandée est de 5 à 10mg/kg per os une fois par jour.6

Le diazépam, un médicament longtemps considéré comme premier ou deuxième choix dans le traitement de l'épilepsie féline a été relégué au traitement des épilepsies réfractaires en raison des 17 cas d'hépatite nécrosante avec insuffisance hépatique rapportée dans les années 90s.7,8 Le bromure de potassium n'est pas utilisé chez le chat en raison des problèmes pulmonaires aigus et mortels qui peuvent se développer suite à son utilisation.9

Pronostic

Contrairement au chien, la sévérité des crises au début de la maladie ne semble pas avoir un effet aussi déterminant chez cette espèce. En effet, il n'est pas rare que les crises disparaissent chez le chat sévèrement épileptique suite à une encéphalite ou encéphalopathie ischémique une fois le traitement antiépileptique initié. Ceci est probablement lié aux causes de crises souvent auto-limitantes chez le chat.

Lorsqu'une étiologie acquise est identifiée, le traitement antiépileptique est poursuivi pour une période de 6 mois sans crise, puis très graduellement, l'animal en est sevré.

Conclusion

L'épilepsie féline est généralement d'origine intracrânienne. L'épilepsie est dans la plupart des cas symptomatique ou probablement symptomatique. Pour cette raison, un bilan poussé, qui inclut une IRM du cerveau et analyse du LCR, est fortement recommandé. Ce n'est qu'avec un diagnostic final que le traitement peut être proprement ciblé. Si l'épilepsie est symptomatique, il est crucial de traiter la cause primaire pour optimiser le contrôle des crises. Parmi les médicaments antiépileptiques, le phénobarbital et le gabapentin sont les traitements de choix. Une évolution avec disparition des crises, est plus fréquente que chez le chien, le pronostic est donc plus favorable.

References

1.  Proposal for classification of epilepsies and epileptic syndromes. Commission on classification and terminology of the International League Against Epilepsy. Epilepsia 1985;26:268-78.

2.  Engel J. Classifications of the International League Against Epilepsy: Time for reappraisal. Epilepsia 1998;39:1014-1017.

3.  Quesnel AD, et al. J Am Vet Med Assoc 1997;210:72-77.

4.  Schriefl S, et al. J Am Vet Med Assoc 2008;233:1591-7.

5.  Bailey KS, et al. J Am Vet Med Assoc 2008;232:867-872.

6.  Hasewaga D. J Feline Med Surg 2008;10:418-421.

7.  Center SA, et al. J Am Vet Med Assoc 1996;209:618-625.

8.  Hughes D, et al. J Vet Emerg Crit Care 1996;6:13-20.

9.  Boothe DM, et al. J Am Vet Med Assoc 2002;221:1131-5.

 

Speaker Information
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Joane Parent, DMV, MVetSc, DACVIM (Neurology)
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