Décisions Préoperatoires Lors d'une Torsion d'Estomac chez Le Chien
World Small Animal Veterinary Association World Congress Proceedings, 2010
David Spreng, Dr.med.vet., DECVS, ACVECC
Bern, Switzerland

Lire la traduction anglaise: Preoperative Decisions in the GDV Dog

Lire la traduction allemande: Präoperative Entscheidungen beim Hund mit Magendrehung

Le "gastric dilation and volvulus (GDV) syndrome" est l'une des indications les plus classiques pour une intervention chirurgicale d'urgence. Une identification rapide du problème ainsi qu'une bonne stabilisation au commencement sont des composants majeurs pour la réussite du traitement.

Le GDV est une pathologie qui affecte particulièrement les grandes races de chiens. La liste suivante est une liste incomplète des aspects épidémiologiques possibles pouvant influencer la formation d'un GDV:

1.  Le risque de formation d'un GDV augmente avec l'âge

2.  Les chiens de race semblent être plus affectés

3.  Les chiens de race géante semblent être plus touchés que les chiens de grande race large

4.  Un thorax étroit et profond augmente le risque de formation de GDV

5.  Un repas par jour augmente le risque

6.  De la nourriture sèche contenant du soja et des haricots pourrait augmenter le risque

7.  De l'exercice après le repas augmente le risque

8.  Les chiens stressés semblent plus touchés que les chiens calmes

9.  Inflammatory Bowel Disease (IBD) augmente le risque de GDV

10.  Une fonction anormale de l'œsophage augmente le risque de GDV

11.  Un ligament hépato-gastrique trop long pourrait augmenter le risque

12.  L'aérophagie augmente le risque de GDV

La plupart des facteurs prédisposants sont controversés dans la littérature. La véritable influence de ces différents paramètres est discutée de manière controversée. C'est cependant un fait que la plupart des informations épidémiologiques ne sont pas utiles pour l'indentification d'un GDV à part peut être la prédisposition de la race. Les chiens avec un thorax en forme de tonneau par exemple peuvent développer une dilatation de l'estomac dans la cage thoracique sans que l'abdomen soit distendu.

Anatomie Pathologique

L'estomac peut être divisé en différente parties: le cardia, le fundus, le corpus, et la région pylorique. Les artères gastriques vascularisent la Curvatura minor et les artères gastroépiploïques droite et gauche vascularisent la Curvatura major. Les artères gastriques courtes venant de l'artère splénique vascularisent la Curvatura major dans la région du fundus.

Plus de 90 % des volvulus gastriques sont tournés dans le sens des aiguilles d'une montre, en prenant la perspective du chirurgien regardant le chien couché sur le dos. Le pylore qui est normalement placé dans le cadran crânial droit va se déplacer ventralement avec l'antrum. Il va le plus souvent se placer à gauche de la ligne médiane dans la région du cardia; ceci étant dépendant du degré de rotation. Lorsque l'estomac se dilate, l'omentum devient la première structure intra-abdominale visible lors d'une approche par la linea alba (lors de rotation classique c.à.d. dans le sens des aiguilles d'une montre). La rate, qui est normalement placée à gauche, va être déplacée ventralement à droite.

Pathophysiologie

Une perte du tonus gastrique ou une rupture gastrique peuvent être les conséquences d'un volvulus gastrique. En effet, la vascularisation gastrique est sévèrement atteinte en cas de volvulus ou de dilatation. L'ischémie et la formation de thrombose commencent dans la région du fundus et se développent sur tout l'estomac. Les ruptures tardives (2-5 jours après la chirurgie) sont plus courantes que les ruptures aigües. La distension de la paroi de l'estomac peut créer une inhibition de l'innervation de cette même paroi. Une atonie gastrique peut persister même après la décompression de l'estomac.

Le volvulus gastrique peut conduire à une ischémie générale ainsi qu'une hypotension: Le volvulus gastrique peut créer des problèmes dans le système gastro-intestinal, mais peut aussi déboucher sur des complications potentiellement létales. Avec l'augmentation de la dilatation gastrique, le retour veineux par la veine cave diminue. Bien qu'il existe certains mécanismes de compensation comme la formation de shunts veineux grâce aux veines azygos et intervertébrales, le résultat final reste une réduction de l'"output" cardiaque avec une diminution du flux coronarien et une diminution de la pression artérielle systémique. L'hypotension va créer une ischémie générale. La réduction du flux coronarien va créer une ischémie myocardique créant elle-même une arythmie.

Le volvulus gastrique peut mener à l'hypoxémie: La dilatation gastrique réduit le mouvement du diaphragme de manière sévère. Le volume tidal étant réduit, la conséquence est l'hypoventilation. Le chien va au commencement essayer de corriger la situation en augmentant sa fréquence respiratoire. Ce mécanisme de compensation ne sera cependant pas suffisant avec le temps et la sévère hypoxémie va aggraver l'ischémie tissulaire.

GDV peut créer une endotoxémie: Comme le flux sanguin splanchnique est réduit, le système réticulo-endothélial n'est pas capable de nettoyer les bactéries de la paroi ischémique de l'estomac. Ceci engendre une augmentation du taux d'endotoxines. Des enzymes pancréatiques protéolytiques sont libérées.

GDV peut engendrer des saignements abdominaux: La tension des vaisseaux gastriques courts augmente en parallèle avec l'augmentation de la dilatation et de la rotation de l'estomac jusqu'au point de rupture des vaisseaux artérielles et veineux. Une hémorragie fatale peut potentiellement survenir suite à ce mécanisme.

GDV peut engendrer une défaillance multiple des organes: Suite à une ischémie continue, différents organes peuvent produire des substances cytotoxiques. Une lésion de reperfusion suite à l'initialisation du traitement peut aggraver la situation. Il en résulte une inflammation systémique (amenant à une dysfonction cellulaire) et à la mort cellulaire (donnant une dysfonction d'organe).

GDV peut conduire à une péritonite: La contamination bactérienne ainsi que le développement bactérien dans la cavité péritonéale peuvent être les conséquences de l'ischémie, de l'endotoxémie et du saignement abdominal. Les patients qui ont eu une gastrotomie ou qui ont une perforation gastrique, ont un risque plus élevé de développer une péritonite locale ou généralisée.

GDV peut engendrer une coagulation intra-vasculaire disséminée (CIVD): L'ischémie et les lésions de reperfusion qui engendrent des dommages intra-vasculaires peuvent créer une CIVD. Une reconnaissance précoce du procédé ainsi que la mise en place rapide du traitement donnent un meilleur résultat à court terme.

Les signes cliniques sont tous en lien avec la pathophysiologie. Le schéma classique est une déglutition aigue et non productive accompagnée d'une dilatation abdominale. Une hypersalivation, une excitation ou une apathie peuvent être observées. Les chiens se présentent avec différents degrés de choc circulatoire. On observe aussi un pouls périphérique faible, une tachycardie, une dyspnée et un temps de remplissage capillaire prolongés. Le traitement préopératoire a pour but de faire face aux effets systémiques d'un volvulus gastrique. Cela inclut le contrôle du système cardiovasculaire, l'anticipation de complications éventuelles et une action prophylactique appropriée.

Stabilisation

Il est important d'obtenir du sang avant de donner des perfusions: PCV; protéines totales, électrolytes, gaz veineux, créatinine, glucose, numération plaquettaires, activated clotting time, et de garder des échantillons pour un profile de coagulation, une chimie du sérum, une hématologie, et une analyse d'urine.

L'évaluation avant la thérapie aux fluides permet d'avoir une base à laquelle les valeurs suivantes lors du "Monitoring" peuvent être comparées. Toute anomalie doit être réglée avant l'intervention chirurgicale.

Tout signe clinique, en plus des signes de laboratoire, d'une coagulation anormale doivent être traités avant la chirurgie; du plasma congelé (frais) doit être donné en cas de suspicion de CIVD ou de problème de facteurs de coagulation. Une CIVD peut être définie comme le développement d'une coagulopathie et d'une thrombocytopénie avec l'élévation des produits de dégradation de la fibrine ou du taux de D-dimer ou encore des 2. Le tout, en parallèle avec une suspicion clinique de la part du vétérinaire.

Traitement Immédiat aux Fluides

La thérapie aux fluides a pour but d'améliorer la perfusion, de retrouver une fréquence cardiaque et une pression sanguine normales. Les cristalloïdes (comme le Plasmalyte-A, Normosol-R, Ringers Lactate) sont toujours administrés à une dose (croissante) de 10-15 ml/kg. Les colloïdes synthétiques sont administrés à une dose de 5-10 ml/kg (jusqu'à 20 ml/kg). Cette solution permet de garder la pression colloïdo- osmotique lors de la thérapie aux fluides. Si les cristalloïdes sont utilisés seuls, la dose du bolus est de 20-30 ml/kg. L'utilisation de colloïdes lors de la stabilisation a montré une diminution du risque d'accidents dus à l'hypotension lors du traitement du GDV.

Les patients hypovolémiques se détériorant rapidement et n'ayant pas d'hémorragie peuvent bénéficier d'une solution saline hypertonique (4 ml/kg 7%solution) en combinaison avec des colloïdes synthétiques le but étant d'augmenter la perfusion de fluides exogènes et la redistribution des fluides interstitiels.

Une thérapie avec n'importe quel type de fluides et utilisant de gros volumes peut induire une coagulopathie de dilution et dans ce cas-là, une perfusion de plasma peut être utile pour prévenir des tendances hémorragiques.

Pression Sanguine et ECG

Les patients avec un GDV sont souvent hypotendus. L'hypotension doit être corrigée le plus rapidement possible grâce aux fluides. Normalement les hémorragies ne sont pas problématiques, il peut cependant arriver dans de rares cas que les vaisseaux spléniques soient rupturés ou alors les vaisseaux gastrique courts, et qu'une hémorragie importante survienne. Dans ce cas la, une thérapie aux fluides est maintenue jusqu'à l'exploration chirurgicale. Les cristalloïdes et colloïdes doivent être donnés avec précaution jusqu'à un MAP d'approximativement 80 mmHg (systolique environ 100 mmHg). Le but est d'initier la reperfusion sans que les coagulats qui se sont formés soient enlevés, le tout jusqu'à ce qu'une hémostase soit obtenue de manière chirurgicale. Suite à la thérapie aux fluides, et après avoir rempli le volume de l'animal hypotendu, on peut donner une perfusion a débit constant d'Hetastarch à une fréquence de 1 ml/kg/h pour aider à maintenir la pression sanguine jusqu'à stabilisation du système cardiovasculaire.

Une pression normale ou élevée est évaluée en fonction du volume intra-vasculaire. Une pression normale ou élevée peut en effet être due à une réponse de compensation à l'hypovolémie. Dans ce cas une thérapie agressive aux fluides reste indiquée.

Toute arythmie audible à l'auscultation ou visible à l'ECG, devrait être traitée avec de l'oxygène. Les troubles au niveau des acide-bases et des électrolytes (potassium, calcium) devraient être corrigés. Une étude a montré que le manque de magnésium lors de GDV n'a, du point de vue pathophysiologique, pas d'importance et ne joue pas de rôle dans la survenue des arythmies cardiaques. Si l'arythmie et l'hypoperfusion persistent, des antiarythmiques doivent être administrés. La plus courante des arythmies est la tachycardie ventriculaire traitée avec de la lidocaine IV jusqu'à 4 mg/kg en bolus lent. La lidocaine est souvent utilisée dans les protocoles d'anesthésie d'un GDV (voir les autres lectures sur le GDV).

Si la pression sanguine ne se corrige pas avec la thérapie aux fluides, de la dobutamine en perfusion (5-10 mcg/kg/min) peut être utile, et d'autres causes du choc (ne répondant pas à la thérapie) doivent être cherchées. De la dopamine en perfusion (5-15 mcg/kg/min) peut aussi s'avérer nécessaire. L'expérience clinique a montré que les animaux ayant besoin de catécholamines pour maintenir la pression sanguine ont moins de chance de survies comparées aux animaux n'en ayant pas besoin.

Traitement à la Lidocaine

Dans notre institution, nous utilisons la lidocaine à différentes fins chez les patients avec un GDV. La lidocaine a un effet analgésique efficace, est une bonne option pour le traitement des arythmies ischémiques et peut potentiellement aider à la prévention des dommages de reperfusions. (Voir le protocole d'anesthésie dans les autres notes sur le GDV).

Traitement Temporaire de la Dilatation et de la Douleur

Vider complètement l'estomac avant la chirurgie n'est pas conseillé. Une fois la stabilisation du patient accomplie une intervention chirurgicale immédiate est indiquée, ainsi la paroi gastrique peut être palpée, visualisée et le tube orogastrique placé. Décompresser l'estomac à l'aide d'un trocart transcutané pendant la stabilisation de l'animal permet de libérer les gaz et fluides s'il est placé correctement et permet de soulager immédiatement la douleur. Une percussion de la paroi abdominale latérale est effectuée et la région la plus tympanique/résonante est trocharisée. Un des risques associé à la mise en place du trocart est la ponction de la rate, celle-ci pouvant être mal placée lors d'un GDV. Cette méthode de soulagement ne fonctionne pas si l'estomac est rempli de nourriture.

Une intubation orogastrique peut être tentée. Il y a un risque de rupture gastrique si l'estomac est sévèrement nécrosé. Le passage du tube n'est pas toujours possible. L'estomac peut être retourné même si le tube passe. Des tubes étroits peuvent passer à travers le cardia torsionné et ainsi réduire la dilatation temporairement. Une intervention chirurgicale immédiate est indiquée si l'intubation orogastrique n'est pas possible. Une radiographie permet de différencier une dilatation aigue (pas de chirurgie nécessaire) d'une torsion d'estomac (chirurgie nécessaire).

Un GDV est une expérience très douloureuse. L'administration d'opioïdes par voie intraveineuse sert généralement de prémédication et anticipe sur une chirurgie. De l'oxymorphone (0.1 mg/kg) ou de l'hydromorphone (0.1-0.4 mg/kg) peuvent être administrés par voie intraveineuse. La morphine (0.5-1 mg/kg) peut être administrée par voie intramusculaire ou intraveineuse lente pour prévenir une hypotension ou des arythmies.

Les agonistes partiels comme le butorphanol ou la buprénorphine ne permettent pas une analgésie adéquate pour ce type de chirurgie.

Radiographie Abdominale et Thoracique Latérale

A moins que l'euthanasie soit une option envisageable, l'estomac doit être décomprimé et les fluides doivent être administrés avant de faire les radiographies. Les radiographies ne doivent pas retarder l'acte chirurgical. Nous n'effectuons pas de radiographies abdominales comme examen de routine dans notre institution. Une radiographie abdominale latérale droite va mettre en évidence un volvulus et indiquer si une chirurgie est nécessaire ou non.

Il est essentiel de comprendre le mécanisme pathologique à l'origine du volvulus gastrique, ceci permettant d'identifier le pylore sur la radiographie. Généralement un chien avec un GDV montrera un pylore rempli de gaz et localisé dorsalement, contrairement à un chien sans volvulus où le pylore est rempli de fluide et est placé ventralement. Un pli de tissu mou compartimente l'estomac rempli de gaz, ce phénomène est appelé "double bubble". On voit aussi fréquemment des anneaux duodénaux situés entre le foie et le fundus gastrique, ou une splénomégalie avec un mauvais positionnement de la rate. Des gaz libres dans l'abdomen ou encore des gaz visibles dans la paroi gastrique indiquent que l'estomac doit être touché sévèrement et probablement la présence d'une rupture gastrique.

L'injection d'Antibiotiques à Large Spectre

Des antibiotiques à large spectre tels que les céphalosporines de première génération ou l'ampicilline (10 mg/kg IV) doivent être administrés en préopératoire pendant que le patient est préparé pour la chirurgie. Une fois que l'exploration abdominale a eu lieu, il est possible d'ajouter des antibiotiques sélectifs contre les anaérobes ou contre les organismes Gram-négatifs.

 

Speaker Information
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David Spreng, Dr. med. vet., DECVS, DACVECC
Bern, Switzerland


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